La politique autrement

Retour sur Notre Monde

Par Bellini Roxane

Huffington Post le 6 mai 2013

 

Lorsqu'on évoque l'incendie qui a dévasté l'année dernière sa maison et sa bibliothèque, Thomas Lacoste tourne la tête, dérobe son regard et l'on comprend ainsi que la douleur est encore présente mais qu'il ne souhaite pas s'y attarder... Sur les cendres de ce drame personnel, le cinéaste engagé a cependant réussi à construire un film lumineux, intelligent et généreux : « Notre monde ».

Ce serait trop réducteur de dire qu'il s'agit d'un documentaire, une séries d'entretiens avec une quarantaine d'intellectuels sur l'état actuel de notre société et leurs propositions concrètes pour l'améliorer. Ce qui, en soi, est déjà un programme intéressant.

Mais ce serait oublier que Thomas Lacoste est artiste avant tout et que l'esthétique de son film en fait un objet d'art sensible et chaleureux, intime et accueillant, propice à susciter l'émotion autant que la réflexion. Cette « unique phrase cinématographique chorale » comme il définit lui-même son film, cette « phrase-monde qui nous regarde » et qui s'adresse à tous, est le reflet d'un cinéma qui « danse sur les frontières ». A l'image de son auteur qui construit des ponts entre les arts et la pensée critique depuis deux décennies, à travers livres, revues, films et festivals, pour inviter les hommes et les femmes libres, les « passants ordinaires », à former une « bande passante» afin de résister et combattre ensemble « les inimitiés nationales et la défiance généralisée » - ravages d'une société dominée par la finance.

Après « la caverne », « l'agora » ! Après la projection, la parole aux spectateurs : trois ou quatre fois par semaine, à Paris ou en province, seul ou avec un intervenant du film, le réalisateur donne de son temps et de sa personne pour accueillir le public de plus en plus nombreux et débattre avec lui jusqu'au dernier qui reste. Appliquant d'abord à lui-même la devise de son film : « faites de la politique et si possible autrement », il va vers les spectateurs pour en faire des « acteurs», c'est-à-dire « traducteurs» et « passeurs» de la vision généreuse et souvent originale que défend le film à travers ces entretiens.

Mais ne comptez pas sur moi pour tout raconter ! Allez-y vous-même !...L'artiste comme l'intellectuel, le citoyen comme le politique devraient y trouver de l'inspiration. Car c'est beau à voir, c'est fort à vivre !...